Biocarburants : l'UE entre solution de crise et stratégie
Les biocarburants offrent de véritables opportunités à l'Union européenne face à la flambée des prix du pétrole, mais les experts du secteur se demandent si l'engouement pour ce carburant vert relève d'une véritable stratégie ou d'une solution de crise.
Les engagements de production des Etats membres de l'UE portent pour la plupart jusqu'à l'horizon 2010, a fait observer mardi le cercle Cyclope, société d'études spécialisées dans l'analyse des marchés mondiaux des matières premières.
Ce n'est donc qu'après cette échéance que le biocarburant, en particulier le bioéthanol, "devra confirmer tous les espoirs qu'il promet", estiment ses experts dans leur 20e édition. Ils citent notamment la réduction de la dépendance énergétique et la solution environnementale.
La production européenne de bioéthanol, en hausse de 10% en 2005-2006 par rapport à 2004-2005, semble dans "une nouvelle ère", mais s'agit-il d'"un nouvel âge d'or"?, se demandent-ils.
Les experts constatent que les marchés de l'Union européenne sont encore "cloisonnés" par des mesures fiscales et l'absence de solutions techniques.
Le bioéthanol, issu des céréales ou des betteraves, est en outre handicapé par la "domination" du gazole, qui représente 60% de la consommation européenne de carburant.
Cette spécificité européenne a été une des raisons majeures du développement plus rapide de l'esther méthylique, issu d'huiles végétales (diester en France), avancent les experts.
Le Brésil, leader mondial du bioéthanol, a opté dans le cadre d'une stratégie à long terme pour le bioéthanol, qui peut être incorporé directement dans l'essence ou utilisé pur.
Le Brésil, redoutable concurrent
"Aujourd'hui, le bioéthanol représente plus de 15% du carburant utilisé par les voitures brésiliennes", soulignent les experts selon lesquels le géant sud-américain devrait atteindre son indépendance énergétique dans quelques années.
Avec une production de près de 169 millions d'hectolitres d'éthanol en 2005-2006, le Brésil est le leader mondial du marché, devant les Etats-Unis. Ses ventes de véhicules neufs "flex-fuel" ont progressé de 60% l'été dernier.
Le coût de production du bioéthanol au Brésil, le plus compétitif du monde, est de 0,23 dollar le litre contre 0,4/l à 0,6/l en Europe. Le seuil de rentabilité se situe à 50 dollars le baril de pétrole au Brésil contre 75 dollars en Europe.
L'Union européenne, dont les principaux producteurs sont l'Allemagne, la France et l'Espagne, a produit 29 millions d'hectolitres de bioéthanol en 2005 contre 26 millions en 2004.
Une directive européenne oblige les Etats membres à incorporer 2% de biocarburant dans le carburant classique en 2005 et 5,75% en 2010. Mais de nombreux pays traînent les pieds.
En France, où l'industrie pétrolière était jusqu'alors réticente à incorporer directement de l'éthanol dans l'essence, la situation commence à évoluer, notent les experts. Elle espère incorporer dans le carburant classique 7% de biocarburant en 2010 et 10% en 2015. Pour 2008, Paris table sur un objectif de 10 millions d'hectolitres de biocarburant.
En Espagne, premier producteur européen, la défiscalisation du bioéthanol est totale et sans limitation de volume. La production est de 2,5 millions d'hectolitres.
L'Allemagne, qui avait privilégié le biodiesel, s'est tournée vers le bioéthanol où la demande est estimée à 22 millions d'hectolitres en 2010.
Malgré la multiplication des projets, les ambitions européennes risquent d'être difficiles à réaliser, estiment les experts selon lesquels le droit de douane de 0,10 dollar par litre d'éthanol qui protège le marché européen ne suffira peut-être pas à décourager les velléités du géant brésilien à s'implanter sur le marché européen.
Reuters