SolarWorld offre de racheter des usines Opel, GM refuse
par Christoph Steitz et Noah Barkin
FRANCFORT/BERLIN (Reuters) - SolarWorld, un groupe allemand spécialisé dans l'énergie solaire, s'est déclaré prêt à reprendre les usines d'Opel en République fédérale, un projet que les analystes financiers ne prennent pas au sérieux en dépit de la gravité de la crise du secteur automobile.
SolarWorld explique vouloir faire d'Opel le premier groupe automobile "vert" d'Europe. Il pose comme préalables la séparation complète entre Opel et sa maison mère, l'américain General Motors, ainsi que des indemnités de 40.000 euros par salarié allemand repris, soit au total un milliard d'euros environ.
Ce montant correspond à celui des aides publiques dont Opel dit avoir besoin et sur lesquelles le gouvernement fédéral et les Länder concernés sont censés se prononcer avant Noël.
"SolarWorld peut apporter à Opel 250 millions d'euros de liquidités et 750 millions de lignes de crédits bancaires, à condition d'obtenir une garantie du gouvernement fédéral", a-t-il expliqué.
Son président du directoire, Frank Asbeck, qui s'est rendu à Berlin mercredi, a déclaré à Reuters à l'aéroport: "Nous avons soumis à General Motors une offre sérieuse de reprise des quatre sites allemands ainsi que du centre de recherche-développement de Rüsselheim."
"Nous attendons une réponse de GM. Les grosses entreprises bougent lentement", a-t-il ajouté, en soulignant: "ce n'est pas un gag. C'est une offre sérieuse."
GM Europe a déclaré qu'Opel "n'est pas à vendre" et que l'offre de SolarWorld relevait de la "spéculation pure".
Le gouvernement allemand a déclaré pour sa part avoir été surpris par cette proposition en précisant qu'aucune rencontre avec Asbeck n'était prévue.
UN "GAG" EN PLEINE CRISE
Les analystes financiers, eux, doutent du sérieux de l'offre de SolarWorld, présentée quelques jours après les déclarations d'Opel selon lesquelles il a besoin de l'aide des pouvoirs publics en raison de la situation financière dégradée de GM.
"Ni le gouvernement, ni SolarWorld ne peuvent séparer Opel de GM. Je crois que le projet de SolarWorld est irréaliste", a estimé Daniel Schwarz, de Commerzbank.
"Bonjour le gag!", a lancé Jürgen Pieper, analyste chez Bankhaus Metzler. "Même s'ils sont sérieux, c'est totalement absurde. Solarworld veut faire parler de lui, voilà tout. Opel arrive à peine à survivre par lui-même", dit-il.
A la Bourse de Francfort, l'action SolarWorld chutait de plus de 14% en milieu d'après-midi. Au même moment à Wall Street, l'action GM cédait 11,33% à 2,73 dollars. Le groupe de Detroit vaut désormais moins de 1,7 milliard de dollars selon les données Reuters, une capitalisation inférieure à celle de SolarWorld.
Créé en 1998 par Asbeck, SolarWorld s'est hissé parmi les trois plus gros industriels mondiaux de l'énergie solaire, avec un chiffre d'affaires légèrement inférieur à 700 millions l'an dernier. Il emploie un peu plus de 2.000 personnes.
A titre de comparaison, les quatre sites allemands d'Opel (Rüsselsheim, Bochum, Eisenach et Kaiserlautern) emploient au total plus de 25.000 personnes.
Opel, créé en 1899 et propriété de GM depuis 1929, a déjà annoncé une réduction de sa production afin de l'adapter à l'aggravation de la crise du secteur.
Son président du directoire, Hans Demant, a déclaré dans un entretien publié mercredi par le Frankfurter Allgemeine Zeitung: "Nous nous préparons à des temps difficiles et nous réduisons nos prévisions de production pour 2009 d'un bon 10%".
Opel est le premier constructeur automobile européen à avoir officiellement réclamé l'aide financière des pouvoirs publics. Il explique ses difficultés par celles de GM, qui lui-même tente d'obtenir du Congrès américain un plan de renflouement du secteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Christoph Steitz, version française Wilfrid Exbrayat et Marc Angrand