Ford, Renault, PSA, Volvo et Saab, signataires de la charte pour le développement de l’ E85
Cinq constructeurs se sont engagés à participer activement au développement de l’E85 en France à travers la signature de la charte préconisée par Alain Prost dans son rapport sur le soutien de l’E85. Dans ce cadre, l’Etat s’est engagé pour sa part à adopter une fiscalité attrayante.
Déterminé à conduire la France à son indépendance énergétique, Thierry Breton, ministre de l’Economie et des Finances, a confié à Alain Prost la mission de présider un groupe de travail et de proposer un plan d’action opérationnel pour le développement de la filière Superéthanol E85 (carburant comprenant jusqu’à 85% d’éthanol d’origine agricole) en juin dernier. Ce rapport, remis fin septembre à Bercy, recommandait notamment la signature d’une charte engageant l’ensemble des acteurs de la filière à participer au développement de ce carburant.
Aussi, hier, les représentants de l’Etat, les producteurs d’éthanol, les constructeurs et les distributeurs de carburants se sont réunis pour signer "la charte pour le développement de la filière superéthanol E85" en France.
Seuls cinq constructeurs se sont engagés dans cette démarche : Ford, Saab, Volvo, Renault et PSA. Soit les deux constructeurs nationaux et les trois seuls constructeurs à disposer d’une offre de véhicules flexfuel (Ford Focus C-Max, Saab 9-5 Biopower et les Volvo S40 et V50), fonctionnant indifféremment à l’essence sans plomb au à n’importe quel mélange d’essence et d’éthanol (à hauteur maximale de 85%). On notera d’ailleurs que pour PSA, il s’agit d’une décision allant contre les convictions de son président Jean-Martin Folz qui qualifiait de "stupide" le développement de cette filière en France compte tenu des investissements nécessaires.
Au moins six modèles flexfuel en France dès 2007
A travers cette charte, les constructeurs s’engagent à commercialiser dès 2007 au moins un modèle flexfuel (aux normes Euro 4) et élargir ensuite leur offre. Comme Ford et Saab, dont les véhicules flexfuel sont déjà commercialisés en France, les constructeurs français lanceront cette carburation sur une berline. Ainsi, dans le cas de Renault, cet engagement se concrétisera au printemps 2007 avec le lancement d’une Mégane flexfuel. Le constructeur a également promis pour 2009 que 50% de sa gamme essence roulerait au bioéthanol ou à l’essence et que tous ses véhicules Diesel fonctionneraient au B30 (mélange Diester et Diesel).Le groupe PSA commercialisera une Peugeot 307 et une Citroën C4 à partir de l’été 2007.
En outre, la charte prévoit que les véhicules flexfuel soient vendus à un prix équivalent et comparable à celui des modèles essence et Diesel, alors que le surcoût de fabrication est estimé à 200 euros pour une production en grande série.
Les constructeurs s’engagent encore à "développer avec leur réseaux les politiques de marketing, de promotion et de service nécessaires au développent de la filière" et à "mener des actions de communication afin d’informer les consommateurs de l’intérêt de l’E85".
Premier client de ces futurs modèles, l’Etat promet que 15% de ses véhicules achetés en 2007 seront flexfuel et que ce pourcentage passera à 30% dès 2008.
L’Etat promet une fiscalité attrayante pour les entreprises
Mais pour réellement appuyer le développement de ce carburant, le gouvernement a décidé d’agir sur tous les fronts ; en concurrençant d’abord l’essence et le Diesel avec un prix de vente à la pompe fixé à 80 centimes d’euro TTC par litre, grâce à la suppression de la TIPP sur l’éthanol (amendement adopté en octobre dernier). De cette manière, le gouvernement contribue à l’objectif commun à tous les acteurs signataires de la charte, " permettre un coût d’utilisation de l’E85 nettement inférieur à celui du supercarburant sans plomb et aussi proche que possible de celui du gazole". D’autre part, l’Etat soumettra au vote du Parlement avant le 31 décembre prochain trois mesures fiscales visant à rendre attrayant l’E85 : l’octroi d’une faculté d’amortissement exceptionnel sur 12 mois, une "forte réduction" de la TVS et une exonération de 50% de la taxe additionnelle aux certificats d’immatriculation. Sera également proposée au vote une mesure octroyant aux entreprises la possibilité de récupérer 80% de la TVA sur le superéthanol. Ces différentes mesures visent donc en premier lieu les entreprises ; aucune proposition n’est faite en faveur des particuliers (outre la baisse de la taxe d’immatriculation et le prix de l’E85 à la pompe). Les véhicules flexfuel ne devraient donc pas entrer dans la catégorie des "véhicules propres" et bénéficier des mêmes avantages fiscaux pour leurs acquéreurs. Pourtant selon le rapport d’Alain Prost, le gain net de l’éthanol en termes de CO2 serait de 60% par rapport à l’essence.
Total, 1er distributeur, devant Leclerc
Par ailleurs, les distributeurs de carburant signataires de la charte se sont engagés à convertir 500 de leurs stations services (sur un total de 13 750 stations en France) pour distribuer l’E85 d’ici fin 2007. Un objectif que réalisera pour moitié Total, qui s’est engagé à convertir entre 200 et 275 stations de son réseau. Le second distributeur sur ce marché sera Leclerc qui promet la conversion de 72 stations, loin devant BP et Shell qui ne transformeront pas plus de 15 stations chacun. Pour Leclerc, ce pari sur l’avenir de l’E85 suppose un investissement estimé entre 1,4 et 2,8 millions d’euros (le coût de transformation d’une station étant de 20 000 à 40 000 euros).
En amont, les agriculteurs s’engagent à "garantir la sécurité d’approvisionnement en matières premières des producteurs d’éthanol (…) tout en assurant la fourniture des débouchés alimentaires traditionnels de l’Union européenne". Les producteurs devront pour leur part "réaliser les gains de productivité nécessaires de façon à atteindre des coûts de transformation compétitifs par rapport aux opérateurs américains d’ici le 31 décembre 2012".
Enfin, la charte prévoit que soit mis en place un comité de suivi pour superviser et accompagner sa mise en œuvre.
On notera que jamais le gouvernement n’a soutenu aussi fortement le développement d’un carburant (comme le Gpl, le GNV..). Pour la première fois, il s’engage sur des objectifs précis et ne semble pas vouloir être pris à défaut. Avec ces différentes mesures et propositions, la filière E85 pourrait bien réussir à se développer.
Emilie Binois