Je connais bien le problème des feux diurnes pour avoir été l'un des tous premiers opposants. En 1999, l'automodébiles-club des Landes a embrouillé la préfecture des Landes et tenté de nous faire imposer cette stupidité. Des panneaux géants, totalement illégaux et au coût faramineux ont fleuri sur les bords des routes à toutes les entrées du département pour inciter les automobilistes à rouler "éclairés en plein jour". C'est vite devenu du grand guignol entre ceux qui allumaient les veilleuses, les codes, les phares ou tout ce qui leur tombait sous la main. J'ai alors créé un site internet (insecurite-routiere.com) qui dénonçait (entre autres...) cette incongruité. Des études, entièrement truquées à la main, ont tenté de démontrer une baisse des accidents grâce à cette mesure "phare". Mais apparemment, le trucage n'était pas encore assez probant: l'extension à toute la France de cette mesure absurde a été abandonnée (pour combien de temps ?...). Les motards de la FFMC ont manifesté leur opposition avec calme, peut-être trop de calme quand on voit qu'il faut bruler des voitures pour être entendus. Je leur avais suggéré une campagne de peinture des panneaux illégaux, mais ils n'ont pas suivi. Il n'y avait pourtant aucun risque (renseignement pris auprès de juristes), les panneaux étant non conformes au code de la route et implantés illégalement sur le domaine public.
Pour en revenir à l'utilité des feux diurnes, elle peut se concevoir dans certaines circonstances, au même titre que les codes par temps de pluie. Les routes en sous-bois épais par grand soleil par exemple, où on a du mal à distinguer une voiture sombre avec le soleil en face. Mais cet allumage ne peut être utile que sur de longues lignes droites, rares en dehors des Landes, où le conducteur à une vision lointaine. Dans les forêts du Limousin où les routes sont sinueuses, cet allumage ne sert strictement à rien puisqu'il y est pratiquement impossible de doubler.
Au final, le bénéfice de cette opération est bien trop maigre pour justifier une généralisation. Ça ferait pourtant bien plaisir aux équipementiers automobiles qui ont pratiqué un lobbying forcené pour le faire accepter.
Si ça vous intéresse, voici la copie de l'article que j'avais écrit sur mon site à l'époque:
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Codes en plein jour
(article publié dés 1999 sur insecurite-routier.com)
Ou comment on essaie de nous imposer une mesure stupide en truquant une expérience.....
Depuis plusieurs mois, dans le département des Landes, il est recommandé de circuler en plein jour avec les feux de croisement. Les instigateurs de cette mesure, malgré les hautes fonctions qu'ils occupent, ne semblent pas avoir mesuré tous les effets pervers d'une telle décision. Si, au départ, l'intention de rendre plus visibles les automobiles était louable, la mise en pratique de cette mesure est, pour le moins contestable sur bien des points.
Tout d'abord, rappelons que le code de la route (art. R 416 et suivants) prévoit que l'allumage des feux de croisement est obligatoire en cas de mauvaise visibilité (brouillard, pluie, etc...). Cette mesure, déjà peu respectée, suffirait par elle-même à réduire les risques d'accidents si les sanctions prévues étaient réellement prises en cas de faute. Mais il semblerait que Mr le Préfet des Landes ou Mr le Président de l'Automobile Club des Landes soient encore au lit lorsque des inconscients dangereux circulent tous feux éteints ou en veilleuses dans le brouillard matinal de nos départementales.
Si une telle mesure pouvait se justifier pleinement en l'appliquant à des types de transports particuliers (matières dangereuses, jeunes conducteurs ou auto-écoles par exemple), sa généralisation ne fait que diluer les notions de danger. Les transports scolaires bénéficieraient également d'une telle exception, assortie de l'usage de warnings rouges impliquant l'interdiction de dépasser ou de croiser un car en action de chargement ou déchargement (comme aux USA). Ce qui économiserait quelques vies d'enfants fauchés par des inconscients qui dépassent à ce moment fatal.
L'allumage des feux de croisement entraîne systématiquement celui, inutile, des 4 feux de position. La permanence de cet éclairage à l'arrière va entraîner une confusion inévitable avec les feux stops. L'allumage brutal de 2 ampoules de 21w est beaucoup plus franc et facile à distinguer que le passage de veilleuses à stop. Surtout s'il y a une ampoule grillée....
Il y a aussi les aveugles qui allument tout ce qui leur tombe sous les doigts: codes, phares, antibrouillards, feu arrière de brouillard, etc... De vrais sapins de Noël ! Ils ne comprennent même pas pourquoi il y a tant de voyants éclairés au tableau de bord. Pour ceux-là, il n'y a pas grand chose à faire. Peut-être pourrait-on coupler l'allumage des antibrouillards à un buzzeur (bien sonore) au-delà de 50 km/h voire à un limiteur de vitesse ? Puisque la vitesse doit être réduite à cette valeur en cas de brouillard quel que soit le type de route, cela concourrait à la sécurité bien plus que les contrôles. L'électronique embarquée dans les voitures modernes permet d'intégrer ce type d'alerte, alors pourquoi s'en priver ?
Que dire encore de cette innovation sinon qu'il ne sera plus possible de faire des "appels de phares" pour signaler aux autres usagers un danger quelconque. Rappelons que le Code de la Route autorise les "appels" de feux de croisement (et non de route) en de telles circonstances. Si les codes sont déjà allumés il n'y aura d'autre solution que les appels de phares pour signaler un danger. Bien sûr cela empêchera de signaler la présence des forces de l'ordre (et c'est tant mieux !) mais, bien plus grave, le conducteur qui roule en codes ne comprendra plus la signification des appels et pensera qu'on lui signale l'oubli de ses lumières.
Quant à l'argument selon lequel cet éclairage permettrait de mieux apprécier la distance à laquelle se trouve le véhicule arrivant en face, il est totalement fallacieux. En effet, l'écartement des phares varie fortement d'un modèle de voiture à un autre et il est absolument impossible d'en déduire une distance. Pire encore, les codes mal réglés qui éblouissent au lieu de signaler et là, le remède est bien plus dangereux que le mal ! Cet éblouissement masque les clignotants, souvent placés à proximité immédiate, et c'est donc un facteur supplémentaire d'accident. La gène due à l'éblouissement peut aller jusqu'à provoquer un trou noir lors du croisement, induisant alors un risque énorme d'accident. Et lorsqu'on sait que, selon une étude sérieuse de la Prévention Routière, 3 véhicules sur 5 ont des phares mal réglés (dont 2 éblouissants), on comprend que le danger est bien plus important que l'avantage que l'on veut nous faire croire.
Enfin, une dernière réclamation tout à fait justifiée de la part des motards qui estiment que ce système remet gravement en cause leur sécurité. Ils étaient, jusqu'à présent, les seuls à circuler en feu de croisement et cela a effectivement réduit le nombre d'accidents impliquant des motos. Que va-t-il se passer maintenant quand les "déficients visuels" apercevront deux phares ? Estimeront-ils avoir affaire à une autre voiture ou à 2 motos ? Sans parler des inévitables "borgnes" qui ne vérifient jamais leur éclairage et roulent sans vergogne avec une ampoule grillée... passant ainsi pour une moto aux yeux (fatigués) de certains.
En conclusion, si cette initiative est louable sur le fond, elle est largement sujette à caution dans la forme et les avantages du principe sont largement effacés par les inconvénients. Il eut été souhaitable qu'une telle décision soit discutée par une plus large concertation avec les usagers et notamment les professionnels de la route. Il ne s'agit pour l'instant, nous dit-on, que d'un essai qui servira de base à une généralisation éventuelle, mais ne nous y trompons pas, on a rarement (voire jamais) vu un énarque ou un haut fonctionnaire reconnaître ses erreurs. Gageons qu'il en sera, malheureusement, de cette mesure provisoire comme il en a été de la vignette automobile : une erreur définitive. De plus, les résultats qui seront extrapolés de cette expérience seront nécessairement faussés s'il n'est pris en considération le fait que seulement 10% au maximum des conducteurs appliquent cette mesure. On veut nous faire croire que 50% des automobilistes jouent le jeu, selon l'automobile club des Landes, mais les comptages réalisés par des organismes indépendants ne relèvent que 7% de taux de participation.
La médiatisation de ce projet fait plus penser à un "bain moussant" qu'à un réel souci de sécurité. Il est plus facile d'imposer une mesure visible qui ne coûte rien aux finances du département ou de l'état que d'améliorer concrètement la sécurité intrinsèque de nos routes en installant des glissières de sécurité ou en refaisant les chaussées. Il est plus simple pour l'Automobile Club des Landes de cautionner une telle décision que d'appuyer un projet d'examen médical obligatoire pour les plus de 50 ans (qui toucherait peut-être trop de ses adhérents). On le voit, une fois de plus en France on préfère rajouter une loi ou un règlement plutôt que de faire respecter ceux qui existent déjà.
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