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Naissance d'une Peugeot 207 S2000
De nos jours, les voitures de compétition de pointe ne sont plus des véhicules de série « améliorés ». Ce sont des produits spécifiquement construits pour la course. Ceux destinés au rallye ne font pas exception. Les règles techniques de la catégorie S2000, dans laquelle s'exprime la Peugeot 207, font tout pour égaliser les performances entre les diverses machines. Mais celles-ci conservent l'apparence, la mécanique et les dimensions du modèle dont elles sont issues. Lorsqu'il en est ainsi, leurs prestations sont plus que jamais liées aux qualités de la voiture de série qui a servi de base. Visite, reportage et détails des raisons qui font que la Peugeot 207 S2000 ne cesse d'accumuler les victoires.
Depuis plus de deux décennies, Peugeot Sport a établi ses quartiers à Vélizy, dans la banlieue sud-ouest de Paris. Pour entrer dans les bâtiments, il faut montrer patte blanche. Pour s'insinuer dans les ateliers, il est indispensable d'être accompagné d'un guide, lui-même bardé d'une panoplie de cartes magnétiques autorisant - ou non - l'accès aux divers départements. Dame : c'est là que sont construits les « protos » 908 à moteur HDi qui, le mois prochain, seront lancés à l'assaut des Vingt-Quatre Heures du Mans.
Les caractéristiques aérodynamiques de la belle sont encore - en partie - tenues secrètes. Pour un profane, le coup d'œil jeté en coin ne révèle rien : l'auto est impressionnante mais, ça, on le savait. Un dernier paravent masque deux « boxes », comme les autres d'une propreté clinique. Sur chaque emplacement, une Peugeot 207 S2000 est en construction.
« Ces mécanos ne font pas partie de notre personnel ! » précise Bertrand Vallat, ingénieur concepteur de la 207 S2000. « Ils nous ont été envoyés par la filiale - ou le préparateur - qui a commandé la voiture.
Nous les convions à venir monter leur auto chez nous. Cela leur permet de profiter de l'expérience de nos hommes. »
Un « chef de voiture » (chef mécano) et un attaché technique membres de Peugeot Sport sont détachés auprès des « étrangers ». Ils suivent d'un bout à l'autre les opérations et fournissent les « trucs et astuces » qui font gagner - beaucoup - de temps. Au printemps 2007, la première 207 S2000 confiée à Kronos a été ainsi assemblée. Les exemplaires acquis depuis ont été entièrement construits dans les ateliers situés sur les hauteurs de Namur.
« Quand nous effectuons nous-mêmes le travail, nous ne pouvons le mener à bien en moins de deux semaines ! » poursuit Vallat. « C'est pourquoi nous en accordons trois aux équipes qui en sont à leur premier assemblage. »
Construire une voiture de rallye - et spécifiquement une S2000 - n'exige plus de commencer par l'acquisition de sa version de série. Il est plus efficace de se procurer une « coque nue arceautée ». Cet inélégant néologisme désigne une carrosserie d'origine dépourvue du moindre accessoire et de la plus petite partie mécanique - elle n'est pas encore peinte.
Elle est, par contre, déjà dotée de son arceau et de la plupart des renforts qui maximisent sa rigidité. L'arceau, ce sont ces dizaines de mètres de tubes ultra-résistants qui tissent autour de l'équipage une « toile d'araignée » de métal. Celle-ci empêche l'habitacle de se déformer en cas de choc. Pour garantir la qualité de la conception de l'ensemble, la FIA exige que cette « coque arceautée », dont le poids minimal est de 370 kg, soit homologuée et fournie par le constructeur lui-même.
« Les cotes de chaque coque sont individuellement vérifiées en « 3D » avant le début du montage. » Celui-ci peut être divisé en trois phases, d'une durée d'une semaine chacune. « Le travail débute par la finition de la carrosserie : les portes sont allégées, les pattes de fixation de divers accessoires sont mises en place. Il en va de même pour les gaines qui assurent le passage des câbles et autres canalisations. »
Après deux jours, la coque ainsi fignolée est envoyée en peinture.
Pendant son absence, l'équipe s'attache à la préparation du montage proprement dit : « A l'exception du moteur, qui est fourni complet, de la boîte de vitesses, qui est imposée par la FIA, et des amortisseurs, qui sont concoctés par les usines Peugeot de Sochaux, l'auto est vendue en « kit ». Boulon par boulon, rondelle par rondelle, le montage s'apparente à un immense mécano ! Même le réservoir d'essence comporte divers éléments à assembler. En attendant le retour de la coque, les mécanos se mâchent le boulot en préparant le faisceau électrique et ce que nous appelons les « sous-ensembles ». En fait, ils effectuent alors la partie la plus fastidieuse du montage en montant, pièce par pièce, les berceaux avant et arrière, les pivots, les roulements, les suspensions, les transmissions, etc. »
Pour exécuter les gestes adéquats, les mécanos suivent pas à pas un manuel d'instructions d'une implacable précision. Leur boulot terminé, ils auront de leur auto une connaissance parfaite qui leur permettra d'intervenir avec une totale efficacité sur un rallye. Appartenant au département « développement » de Peugeot Sport, une 207 S2000 est à disposition à titre d'exemple : « Elle offre l'avantage supplémentaire de prouver à chacun que nos voitures ont toutes des caractéristiques identiques. »
La deuxième semaine est consacrée au montage du faisceau électrique, puis des divers sous-ensembles, en poursuivant par les sièges et les équipements de sécurité (harnais, filets de protection). Ensuite, le travail se termine par la pose du moteur, les détails de finition et le nettoyage de « l'œuvre » ainsi achevée. Le test de vérification de son bon fonctionnement (« déverminage », en jargon de course) est effectué par Anthony Beltoise (fils de Jean-Pierre), pilote d'essais « maison ».
Vingt-trois exemplaires ont été construits en 2007 et trente sont en cours de livraison pour 2008 : « Nous sommes limités en quantité par nos capacités de production. » déclarait Bertrand Vallat, ingénieur concepteur de la 207 S2000.
Que les 207 S2000 soient toutes les mêmes n'empêche pas leur compétitivité d'être régulièrement mises à jour. Début 2008, une « évolution moteur » a permis un gain d'une dizaine de chevaux. Elle a porté la puissance à 280ch sans rien perdre en souplesse ni en plage d'utilisation. En septembre 2007, une modification apportée par les ingénieurs de Peugeot Sport au dessin du carter de boîte - rappelons que celle-ci est d'un modèle imposé par la FIA - a permis de mettre un terme aux problèmes de fiabilité qui ont affecté les premières apparitions de - toutes - les S2000.
La 207 S2000 est une des premières illustrations de la nouvelle stratégie de la FIA qui consiste à combiner le prix maximum de certaines pièces aux caractéristiques techniques obligatoires de celles-ci. Responsable des caractéristiques de la 207 S2000, Bertrand Vallat précise...
« Tout a été étudié en tenant compte des contraintes de prix.
Nous avons attiré l'attention des nos fournisseurs Sodemo (moteur), Sadev (boîte) et… Peugeot (amortisseurs) à ce sujet. Notre objectif était clair : faire « tomber » les prix sans nécessairement opter pour des solutions « bon marché », c'est-à-dire, plus précisément, baisser les coûts de nos solutions « haut de gamme », préalablement testées en WRC. »
Le WRC, c'est le Championnat du Monde des Rallyes, c'est-à-dire l'époque des glorieuses 206 WRC et 307 WRC…
« Grâce à elles, nous avions bien en tête la philosophie qui doit guider la conception d'une bonne voiture de rallye. Nous avons tablé sur la construction d'une première série de vingt exemplaires. Pour limiter les coûts, il suffit souvent d'accepter une augmentation du poids sans toucher à la performance. Les pilotes et les teams qui font courir une S2000 veulent une « vraie » voiture de course, avec une vraie direction directe, de vrais freins, une vraie réponse à l'accélérateur… tous ces ingrédients doivent être adaptés à une utilisation extrême en compétition. » déclarait Bertrand Vallat, ingénieur concepteur de la 207 S2000.
Puis il poursuivait : « Bannir les matériaux légers car exotiques - donc chers - nous a mis en mesure de proposer notre nouvelle création à un coût raisonnable sans mettre en question la fiabilité des divers composants. Nous ne jouons pas sur la durée de vie des pièces ! Quand une suspension ou une transmission casse, c'est à la suite d'un choc et pas en conséquence d'une défaillance du matériau ou d'une erreur de dessin. »
La Peugeot 207 S2000 gagne grâce au soin apporté à sa conception, à sa préparation et à sa mise au point, mais d'abord par les qualités dynamiques de la voiture de série qui lui sert de modèle.
« Concevoir et développer la version S2000 de la 207 a été un plaisir car celle-ci bénéficie de caractéristiques idéales pour une utilisation en compétition. Comme c'est la tradition chez Peugeot, le châssis d'origine est particulièrement rigide, les roues sont placées « aux quatre coins » et la répartition des masses favorise l'équilibre du comportement. Lorsqu'on évolue dans une formule dont le but est d'égaliser les performances de chacun, cela participe à faire la différence ! En sus, notre moteur est plus souple, donc d'une utilisation plus facile que ceux de la concurrence. Enfin, cerise sur le gâteau, les amortisseurs brevetés Peugeot garantissent un contact optimal avec le sol. » concluait Bertrand Vallat.
Ils sont construits dans la même usine, et par les mêmes personnes, que ceux qui équipent la Peugeot que vous conduisez tous les jours. On le voit : c'est tout sauf un hasard si Peugeot a remporté l'IRC 2007 et a décroché deux victoires consécutives, en Turquie - à l'occasion de la première manche de l'édition 2008 du Challenge - et au Portugal, le week-end dernier !
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