Automobile. Le fisc freine les achats de voitures en Europe
Des milliers de cartes grises de voitures achetées hors de France sont bloquées par les recettes des impôts, qui refusent de délivrer un document fiscal pour l'immatriculation. Les importateurs ont été reçus à Bercy pour tenter de débloquer la situation.
Acheter sa voiture en Europe devient un calvaire. Plusieurs milliers d'automobilistes français qui pensaient faire une « bonne affaire » se retrouvent aujourd'hui dans l'impossibilité d'utiliser leur voiture sous peine d'être hors la loi. Selon nos informations, de nombreuses recettes des impôts bloquent ou refusent de délivrer aux acheteurs le papier fiscal indiquant que la TVA dans le pays du vendeur a bien été réglée.
Or, sans ce sésame, impossible d'immatriculer et d'assurer sa voiture. L'Association de défense des mandataires automobiles (Addema) révèle qu'actuellement plus de 3 000 dossiers sont en souffrance. « L'importation en France de voitures neuves et d'occasion de l'Union est un marché qui se développe fortement grâce aux fortes différences de prix, explique Dominique Journiac, la présidente de l'Addema. Jusqu'à présent, ce commerce ne posait pas de problème pour les acheteurs français. »
Risques de magouilles
Or en septembre, les services fiscaux de Bercy, qui soupçonnent certains abus, ont brutalement décidé de donner un tour de vis en laissant à chaque recette locale des impôts le soin d'interpréter la septième directive européenne qui réglemente ce commerce. « Cette liberté d'action a généré une situation ubuesque », reprend Dominique Journiac. Certaines recettes ont décidé de tout verrouiller en ne délivrant plus du tout de « quitus fiscal » sauf si le particulier accepte de payer à nouveau la TVA française de 19,6 %. D'autres demandent aux particuliers des pièces complémentaires très difficiles à fournir. « Aujourd'hui, je refuse les clients de Nantes ou de Pau, ajoute un mandataire. Ils seront retoqués même si tous les papiers sont en règle. A cause de cette situation, beaucoup de mandataires qui respectent pourtant les textes se retrouvent au bord du dépôt de bilan. » L'Addema va même plus loin. « Contrairement à l'objectif de Bercy qui est d'éliminer les éventuels voyous, cela risque surtout de pousser certaines personnes à magouiller. » L'application aléatoire des textes a déjà valu à la France de se faire condamner par Bruxelles, à la suite de plaintes de particuliers. En décembre dernier, la Commission avait donné deux mois à Bercy pour régler le problème avant de saisir la Cour de justice. Dans le même temps, plusieurs députés conduits par Gérard Charasse (Allier) se sont aussi saisis de ce dossier. Face à cette situation, Bercy a reçu les professionnels du secteur. « Au cours de cette réunion, ils ont proposé de mettre en place un moratoire pendant trois mois afin de régler les dossiers en attente, reprend Dominique Journiac. Ces instructions ont été diffusées auprès des recettes des impôts mais la situation n'a que très peu évolué. » De plus, les mandataires ont proposé au ministère d'élaborer une charte de qualité dont l'objectif est d'éliminer certains opérateurs douteux.
Guillaume Zambaux
Le Parisien , lundi 15 mars 2004