Silvio Berlusconi et les femmes...nues

MiDOX

Lion de Bronze
29 Avril 2008
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"Non ! Pas ça, pas lui !", se sont d'abord dit beaucoup d'Italiens incrédules. Mais si : Silvio Berlusconi parvient toujours à surprendre. L'homme qui a fait sa fortune avec la télévision qui dévoile plus qu'elle ne cache vient de faire preuve d'une pudeur inattendue. Ses conseillers ont cru bien faire en recouvrant d'un voile pudique un sein de La Vérité dévoilée par le Temps, une reproduction du tableau de Giambattista Tiepolo, maître vénitien du XVIIIe siècle, qui décore la salle de presse de la présidence du conseil italien.

La nouvelle, révélée - ou plutôt dévoilée, devrait-on dire - par une agence de presse le 2 août, fait penser à un canular d'été. Mais non, le sein qui avait le malheur de se trouver exactement dans le champ des caméras de télévision est effectivement recouvert. La reproduction a été retouchée pour dissimuler le mamelon perturbateur. Le lendemain, le porte-parole du président du conseil, Paolo Bonaiuti, a dû expliquer, un brin embarrassé, dans un entretien accordé au Corriere della Sera, que ses conseillers "ont craint qu'à force d'être cadré ce sein ne finisse par blesser la susceptibilité de quelques téléspectateurs".

Mais, ce faisant, ce sont les milieux artistiques qui ont été blessés. Même à droite, ils considèrent ce geste comme une gaffe colossale. "Que faudrait-il faire de toutes ces statues de femmes que l'on peut admirer dans les dizaines de musées italiens, avec leurs seins à couper le souffle même à Pamela Anderson ?", se demande, stupéfait, Vittorio Sgarbi, ancien secrétaire d'état à la culture du "Cavaliere".

Antonio Paolucci, directeur des musées du Vatican et ancien ministre de la culture, n'en revient pas non plus : "Qui pourrait se sentir offensé face à La Vérité nue de Tiepolo ? C'est une sottise absolue. Je vous le dis, moi qui dirige les musées du Vatican. Il y a plus de nus ici que dans n'importe quel autre musée du monde."

Andrea Emiliani, ex-conservateur de la Pinacothèque de Bologne, va encore plus loin. "Le choix du tableau La Vérité nue était déjà une claire allusion, mais intervenir ensuite pour dissimuler cette Vérité est un symbole encore plus étonnant", ajoute l'historien.

Eugenio Riccomini, autre historien, détient peut-être une partie de la réponse. "De toute évidence, ceux qui sont intervenus pour voiler le sein ont dû penser que l'on ne pouvait l'exposer à côté de Berlusconi parce que cela ressemblait trop, sans doute, à ce qu'il donne à voir sur ses chaînes de télés chaque soir."

Pour choisir l'oeuvre appelée à remplacer celle qui s'y trouvait du temps de son prédécesseur Romano Prodi, "il Cavaliere" s'est fait aider par son architecte de confiance, Mario Catalano. Ironie de la situation, c'est ce dernier qui s'occupait de la scénographie d'un des programmes les plus racoleurs de la télévision du premier Berlusconi, à la fin des années 1980, "Colpo Grosso", au cours duquel des filles aux seins florissants faisaient voler leur soutien-gorge en poussant la chansonnette.

Le président du conseil aurait-il été pris d'un soudain accès de pudibonderie ? Au contraire. Avec l'âge, Silvio Berlusconi, 71 ans, multiplie les allusions au corps féminin et aux femmes, jouant au vieux monsieur qui peut tout se permettre. Quitte à recevoir une lettre publique de réprimande de son épouse, en 2007, lorsqu'il avait lancé à la députée, ancienne starlette télévisée, aujourd'hui ministre, Mara Carfagna, qu'il "l'aurait épousée sur-le-champ (s'il n')était pas déjà" marié. Ce qui lui vaudra ce commentaire perfide du président du groupe de l'opposition Italie des valeurs à la Chambre des députés, Massimo Donadi : "Clinton n'avait, lui, pas fait Monica Lewinski ministre."

Le machisme du gouvernement italien a parfois des répercussions internationales. Lors de son précédent passage au gouvernement, une crise diplomatique avec la Finlande avait été évitée de peu lorsque Silvio Berlusconi avait affirmé "avoir dû faire appel à tout son talent de play-boy" pour convaincre la présidente de ce pays de choisir Parme comme siège de l'autorité alimentaire européenne.

Lors du débat sur la confiance à son nouveau gouvernement, en mai, il a même été surpris par le zoom d'un photographe en train d'échanger des billets doux avec deux députées de sa majorité : "Vous avez sûrement mieux à faire", écrivait-il en les invitant à quitter l'hémicycle. Réponse, toujours cueillie par le photographe : "Mais seulement avec vous, monsieur le président !"

Et c'est encore le nom de l'une de ces deux députées, Nunzia Di Girolamo, une jolie brune de 32 ans, qui figure dans la page de son agenda montrée aux photographes le 1er août pour attester un emploi du temps chargé. "Je l'ai vu entre deux rendez-vous pour lui parler du film en préparation sur Padre Pio dans ma circonscription", a cru bon de préciser la parlementaire.

Tout cela pourrait n'être qu'anecdotique si Silvio Berlusconi ne venait pas de sortir d'une autre affaire sulfureuse. Il est en effet soupçonné d'avoir - du temps où il était encore dans l'opposition - poussé un dirigeant de la télévision publique à embaucher des actrices liées à des sénateurs de centre gauche afin de les éloigner du premier ministre Romano Prodi et de fragiliser encore plus ce dernier.

Au vu de toutes ces affaires, corriger un tableau est sans doute un acte mineur. Mais pas forcément le moins significatif.
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