PARIS (Reuters) - Alors que les émeutes de la faim se multiplient dans le monde et que les grandes institutions cherchent des solutions pour nourrir le monde, la France est l'un des rares pays à terminer la saison avec des stocks de céréales en hausse.
La campagne de commercialisation 2007-2008 qui se termine le 30 juin a été atypique à bien des égards, marquée par une envolée record des prix du blé européen à plus de 300 euros la tonne mais la fin de la saison est paradoxale, soulignent des analystes et opérateurs.
"A l'heure des comptes, la France fait figure d'exception avec un stock de report attendu en hausse pour l'ensemble des céréales", remarque Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France, l'organisation unitaire de la coopération agricole française.
Selon l'Office français des grandes cultures (ONIGC), la France, premier producteur européen de céréales, devrait terminer la saison avec une augmentation de près de 23% de son stock de blé tendre à un peu plus de trois millions de tonnes.
Ce niveau est inférieur au record de près de cinq millions de tonnes de 2004-2005 mais la collecte avait alors dépassé 33 millions de tonnes contre 27,5 millions cette saison.
Le stock de maïs devrait lui aussi approcher les trois millions de tonnes. Il faut remonter à 1998 pour retrouver un tel volume mais à cette époque la collecte avait atteint 15 millions de tonnes au lieu des 12,4 millions prévus pour cette campagne.
Rapportée aux utilisations, la hausse du stock de maïs est très sensible puisqu'elle représente trois mois de consommation contre moins de neuf semaines en moyenne ces cinq dernières campagnes.
TIRER LES LECONS
Pour expliquer l'alourdissement inattendu des stocks français dans un contexte de crise alimentaire mondiale, les raisons sont multiples mais les solutions restent à trouver.
Au banc des principaux accusés : la chute du dollar fortement pénalisante pour les exportations, la moindre qualité meunière des blés 2007, l'envolée des coûts de fret et des importations records dans l'Union de maïs sud-américains plus compétitifs sur la Péninsule ibérique que les maïs français.
En cause aussi, une alimentation irrégulière du marché physique alors que les prix du blé ne cessaient d'augmenter.
"Sur la première partie de la campagne, la France n'a pas su saisir au bon moment les opportunités sur les marchés internationaux", a estimé un exportateur.
"Il y a des leçons à tirer de la part de tous les intervenants, des producteurs aux maisons de négoce internationales", a-t-il ajouté.
Une réflexion sur le sujet est déjà engagée sous l'égide de l'ONIGC.
"Il y a des causes bien identifiées comme la chute du dollar qui a été très pénalisante à l'exportation mais aussi des nouveaux reflexes à apprendre", a dit à Reuters Rémi Haquin, président de l'ONIGC.
"Le reflexe de fluidité du marché n'a pas été trouvé cette année", a-t-il ajouté.
Pour Coop de France, dans le cas du maïs, le recul quasi continu des prix depuis la flambée de septembre et le différentiel inhabituel comparé au blé ont incité certains agriculteurs à différer leur commercialisation dans l'attente d'une remontée des cours.
"S'il y a une leçon à tirer, c'est que le marché n'attend pas", conclut Vincent Magdelaine.