salut,
le compte-rendu de Dayraut le 15 août 2012; il explique pourquoi il a perdu et ne sait pas s'il s'alignera une 3ème fois.
"PIKES PEAK ! Je veux gagner cette course !
Beaucoup de travail et d'efforts ont été fournis par toute l'équipe technique, les partenaires et moi-même, tous animés par le même objectif : gagner !
L'an dernier on était venu pour voir et apprendre, cette année on était là pour gagner.
Les modifications que nous avions apportées sur l'auto, les réglages et le travail au cours de la semaine d'entrainement m'ont permis d'être extrêmement rapide lors des essais et des qualifs de la course, et même de cacher mon jeu à mes concurrents les plus proches.
Ma première erreur a été de ne pas bien gérer cette supériorité, car, après les 3 jours d'essais officiels nous avons compris que quand on additionnait nos trois partiels on était à 9mn 3 ou 4 sec pour la montée. Un super chrono, bien en dessous du record de Tajima (bien entendu puisque lui, roulait sur 3 kms de terre inexistante cette année). Donc une victoire dimanche sans trop de problème.
Mais 9mn 03 c'est trop bête !........ 8.59 c'est beaucoup mieux non !
Du vendredi soir au jour de la course, je n'ai plus pensé qu'à ça : être en dessous des 9mn. Je pouvais le faire, l'auto aussi.
Une victoire c'est bien, mais être le premier en dessous des 9 mn, c'est mieux ! Alors nous avons tout misé sur ce record des 9mn, stratégie de course incluse.
Ma pole position de la semaine me donnant le choix du départ dans ma catégorie «unlimited », je décidais donc de partir le 1er de la catégorie, juste après les motos, vers les 10h du matin, car moins de cailloux et d'huile sur la route et une température plus fraîche pour le moteur.
Bonne stratégie oui ! Pour descendre en dessous des 9mn, pas pour gagner la course, car mon concurrent direct Paul Dallenbach partira derrière moi et en cas de problème de celui-ci je ne le saurai pas lors de ma montée, alors qu'en partant dernier je pouvais gérer mon effort et m'assurer une victoire, surtout s'il lui arrivait un problème comme l'an passé.
Dimanche matin 9h, tout était prêt : mes pneus Yokhama sous les couvertures chauffantes (170° F), moteur chaud, des glaçons sur les échangeurs d'air, j'ai même fait démonter les essuies glace et leur moteur ainsi que les passages de roues pour gagner 20kg. Je suis parti sur motivé et dans le premier virage j'étais déjà plus vite que je ne l'étais en qualif. J'étais décidé à rouler comme en circuit et à faire abstraction de tout, mais sans dépasser mes limites. A mi-parcours, mes partiels me donnaient une avance de 6sec sur mes essais et la partie du haut était l'endroit où j'allais vraiment améliorer mes chronos. L'auto était top, un vrai plaisir, facile et rapide, le pied total ! Et là, à 4 km de l'arrivée, sur un gros freinage, pédale de freins plus longue de 50%, en plus sur le haut du parcours, le plus chaud et le plus rapide ! J'ai crié dans le casque un énorme « MERDE ».
J'ai tout de suite compris le problème, mes freins AV étaient trop chauds et j'allais perdre tous mes freins rapidement ! Que faire ? J'ai alors rajouté 2 tours de répartiteur sur l'arrière pour soulager mes freins AV. J'attaquais toujours à fond et ma pédale de freins s'allongeait toujours un peu plus à chaque virage. Reste 2km, 8 virages et c'est l'arrivée!
Paul Dallenbach lui, était malheureusement déjà sorti de la route et je n'en savais rien.
Que faire ? : Je m'arrête, me gare et j'attends que ça refroidisse ? Je roule au pas et franchi la ligne d'arrivée 2eme, 3eme ou 10eme ? Anéantissant mes efforts et ceux de l'équipe Je continue à fond avec ma pédale de freins en mousse ? 2eme grosse erreur.
Je reste à fond et je pompe, en même temps, sur la pédale pour essayer de me rassurer et de sentir ce qui me reste en freins.
Je rentre dans un gauche en 3ème, « tape » les freins, rétrograde plus vite que nécessaire, et l'auto ralenti encore ! Reste 3 virages, 3 pressions et c'est l'arrivée ! 3eme, 4éme 5eme 200km/h un grand droite ! Super facile ! J'appuie ... le vide total, plus de pédale de freins ! Je tombe la 4, au cas où ! Bof !!!
Bien sûr, je finis dans la montagne à 190km /h, dans les rochers, roue arrachée+ un peu de carrosserie, le châssis parterre, Merde ! 3 virages et c'est l'arrivée ! J'ai même mis la 1ere pour continuer. Il devait vraiment me manquer de l'oxygène dans le cerveau !!! Bref, abandon.
Heureusement que j'ai tapé à gauche de la route, car le virage après est un gauche avec, à l'extérieur, un endroit où il ne faut pas aller.
Quand l'auto s'est arrêtée, je me suis rendu-compte de mon idiotie, je savais que j'allais perdre complétement mes freins mais, j'ai quand même continué, comme un idiot, avec les risques que cela comprend. C'est la 1ere fois que je prends des risques non calculés et je l'ai payé cash, mais avec une petite facture. Ce sera la dernière fois, je me le suis promis.
J'ai perdu cette course pour plusieurs raisons : j'ai été trop gourmand et ma stratégie était trop basée sur cette barre des 9mn. J'ai perdu les freins car nous n'avions jamais fait d'essais sur l'ensemble de la montée 100% goudron.
Notre auto est équipée de gros freins mais pas assez puissants pour une auto de 900CV avec des slicks super tendres.
Les slicks, on y arrive ! De toute ma carrière, je n'ai jamais vu autant d'ambulances démarrer que ce weekend, des sorties de route de partout. J'ai envoyé, en septembre 2011, un courrier aux organisateurs de Pikes Peak pour leur dire que je trouvais qu'il était trop dangereux et sans intérêt sportif ou commercial d'autoriser à rouler en slicks sur une telle épreuve. Cela n'a pas servi, mais je continu à dire que ce n'est pas raisonnable. Des pneus de série seraient très bien, les coûts moins importants et le spectacle plus intéressant. Mieux aussi pour la communication des manufacturiers et surtout pour la sécurité ! C'est le sport et le pilotage qui compte, pas le plus courageux ou le plus fou !
A ce jour, je ne sais pas si je retournerai à Pike Peak. Je dois digérer mes erreurs et voir si le règlement de l'épreuve sur les pneus va évoluer.
Je n'ai pas envie de monter dans une auto de 1200CV et de 800kg avec des appuis de Boeing, des slicks super tendres de 1mm de large et finir comme Dallenbach à 220 km/h dans les arbres. J'ai vu sa voiture après le crash, c'était inexplicable, on aurait dit qu'un avion s'était crashé ! Sur 50m les arbres étaient coupés à 2m de haut et son auto était en partie en miettes sur 100m2, pas un morceau à récupérer ! Un vrai miracle pour lui et les spectateurs qui étaient au bord du virage.
Maintenant, la Mitjet à fond, l'Andros à préparer et un trophée que je voudrais bien reprendre à Monsieur Prost !
Encore merci et à très bientôt."
Jean Philippe Dayraut