Article du Figaro ce jour.
Stellantis contraint de stimuler ses ventes à coups de rabais
Le constructeur mondial perd des parts de marché aux États-Unis et en Europe.
Le constructeur mondial perd des parts de marché aux États-Unis et en Europe.
À chaque semestre,
Stellantis revendique sa place de constructeur mondial le plus rentable. En 2022, il affichait une marge de 13%, hors du commun dans l'automobile grand public. Bien que le constructeur américano-italo- français n'ait pas donné d'indication sur ses bénéfices au troisième trimestre, il vient de confirmer ses perspectives ambitieuses pour l'ensemble de l'année : la marge sera bien à deux chiffres.
Pourtant, la route du géant de l'automobile ne sera pas tranquille ces prochains mois. Stellantis doit absorber le coût de la
grève de 40 jours menée aux États-Unis par le syndicat américain des ouvriers de l'automobile qui vient de s'achever. Stellantis a estimé à 3 milliards d'euros l'impact de ce mouvement sur son chiffre d'affaires au quatrième trimestre et à
« moins de 750 millions d'euros » celui sur ses bénéfices, a souligné Natalie Knight, la directrice financière de Stellantis. La recette prévue pour compenser cette perte est connue : Stellantis va encore raboter les coûts. Lors d'un échange avec les journalistes le 26 octobre, Carlos Tavares, le patron du groupe, avait reconnu que son groupe ne
« pourrait pas transférer ce coût aux clients », en clair hausser les prix de vente des voitures.
Au troisième trimestre de l'année, avant donc le mouvement de grève, le chiffre d'affaires de Stellantis a augmenté de 7% à 45,1 milliards d'euros. La raison est simple : le groupe a vendu un plus grand nombre de voitures (+11%) : 1,4 million de véhicules.
«La croissance du troisième trimestre a été portée par les volumes », résume Natalie Knight.
Alors que le groupe piloté par Carlos Tavares s'était illustré ces dernières années par son « pricing power », sa capacité à vendre des véhicules plus chers, ce levier ne fonctionne plus si bien. Depuis 2020, le groupe contraint par le manque de semi-conducteurs et de composants, avait vu sa production chuter. Comme ses concurrents, il avait délibérément produit et vendu les modèles les plus rentables pour faire face à une crise majeure. Stellantis avait alors vu ses marges bondir – tout comme l'ensemble de l'industrie automobile qui profitait d'une offre inférieure à la demande.
Cet âge d'or est révolu. Désormais, Stellantis ne souffre plus de pénuries. Ses chaînes de production sont reparties. Mais avec la hausse des taux d'intérêt et l'inflation, les clients sont beaucoup plus rares. Et les stocks de voitures sont en forte hausse.
Situation difficile aux Etats-Unis
Désormais, le groupe américano-italo- français est contraint de baisser ses prix et de concéder des rabais pour écouler ses véhicules. Ce retournement de situation n'est pas limité au marché européen, particulièrement morne. Aux États-Unis où Tesla a lancé la guerre des prix, Stellantis, qui réalise près de la moitié de ses ventes en Amérique du Nord, a dû renouer avec les pratiques commerciales du « monde d'avant ». Au troisième trimestre, sa marque Ram, celle des fameux pick-up « musclés », a appliqué les rabais les plus importants, rapporte Cox Automotive. Jeep a affiché la plus forte hausse par rapport à l'an passé. Toutes marques de Stellantis confondues, le montant moyen des remises aux États-Unis a atteint 3700 dollars par véhicule. Malgré cela, toutes les marques américaines du groupe ont vu leurs ventes en volume reculer, sauf Chrysler.
« La part de marché de Stellantis en Amérique du Nord s'est élevée à 9,56 % au troisième trimestre, contre 11,38 % il y a un an, soit son niveau le plus bas depuis au moins six ans. Pour la première fois, elle est tombée sous la barre des 10 % », indique Cox Automotive.
En Europe élargie, Stellantis a vu ses ventes progresser en volumes au troisième trimestre (+10%). Mais le groupe a fait moins bien que ses concurrents et a perdu un peu plus d'un point de part de marché, passant de 17,9% à 16,7%. Plus près de nous, en France, les concessionnaires notent une érosion des ventes de Peugeot et de Citroën depuis quelques mois et le retour de forts rabais chez tous les constructeurs, bien au-delà du groupe Stellantis.
« Pour faciliter l'obtention du bonus écologique et réduire la facture des clients, les constructeurs calent désormais le prix du véhicule à moins de 47 000 euros, le seuil pour en profiter », observe Olivier Bouvarel, le directeur général délégué du distributeur BYmyCAR.
Stellantis a compensé ce recul de ses parts de marché en Europe et aux États-Unis avec les bonnes performances de ce que Tavares a appelé son
« troisième moteur », les pays hors Amérique du Nord et Europe. Ainsi dans la région Afrique et Moyen Orient, le chiffre d'affaires est passé de 1,3 milliard d'euros à 3 milliards entre le troisième trimestre 2022 et le troisième trimestre 2023. Et en Amérique du Sud, de 4 milliards d'euros à 4,3 milliards lors de la même période. Mais cette dynamique ne suffira pas à compenser la morosité sur les marchés clés du groupe.