Les derniers développements parus dans la presse ces derniers jours permettent de préciser plusieurs points.
Tout d'abord, le renforcement du partenariat industriel et commercial avec DONG FENG ne fait pas débat et est recherché par tous les membres de la famille PEUGEOT.
D'autre part, PSA doit traiter son problème de taille et accélérer son développement international : dans cette logique, l'approfondissement de la relation avec DONG FENG va permettre de continuer l'expansion en Chine et en Asie du Sud Est, voire sur d'autres continents. Par contre, le rattrapage des grands leaders mondiaux en terme de ventes impliquera de travailler également sur d'autres solutions.
Par contre, des difficultés persistent sur plusieurs points :
1/ les modalités de l'augmentation de capital : d'un côté, les partisans d'une augmentation réservée à DONG FENG et à l'Etat, avec un prix (7 E) très inférieur au cours actuel (+ 11 E) (position défendue par M.VARIN, l'Etat français, DONG FENG) ; de l'autre, une augmentation ouverte à tous, aux mêmes conditions fixées par le marché (position défendue par M.Thierry PEUGEOT). Dans le premier cas, on avantage clairement les deux futurs entrants au détriment de la famille PEUGEOT et des actionnaires actuels. On permet ainsi un renversement du pouvoir au bénéfice des nouveaux entrants et on prépare une confortable plus-value à moyen terme pour ceux-ci...Les actionnaires minoritaires ne s'y trompent pas et ont commencé à s'exprimer publiquement, en demandant les raisons justifiant une telle décôte et des précisions sur les conséquences de ce montage sur les intérêts des actionnaires minoritaires. La deuxième solution proposée par M.Thierry PEUGEOT apparait plus respectueuse du droit et des différents acteurs du dossier, puisque ces derniers peuvent participer à l'augmentation de capital dans des conditions identiques à tous les autres.
2/ la question des droits de vote double reste entier. Il faut rappeler que ces droits de vote double permettent d'une part d'assurer une gouvernance stable du groupe et d'autre part de récompenser les investisseurs de long terme par opposition aux spéculateurs (ces droits de vote sont attribués aux actionnaires de plus de 4 ans). Ces droits de vote double sont un enjeu essentiel pour les différents acteurs et ils ont en conséquence une valeur patrimoniale importante ; il est normal qu'il y ait une négociation âpre à ce sujet... aussi bien pour ceux qui semblent décider à abandonner la gouvernance que pour ceux qui souhaitent conserver un rôle central dans le groupe.
Le montage proposé à ce jour conduit deux acteurs à investir chacun 750 millions d'euros et à obtenir le contrôle complet d'un groupe automobile, certes en difficultés, mais qui a maintenu son effort de recherche, le rythme de sorties de nouveaux modèles, qui est implanté en Europe, en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique et au Moyen Orient, qui a une profondeur de gammes incontestable...
On peut donc se poser une question : ce montage, c'est une opération de sauvetage ou une tentative conjointe de jackpot financier au détriment des actionnaires actuels ?
3/ la gouvernance du groupe : le problème devrait être posé en termes d'aptitude et de légitimité. Or ni la candidature de l'Etat français ni celle de DONG FENG ne s'imposent naturellement. Au surplus, ces deux acteurs sont présentés comme devant se faire contrepoids, ce qui est assez curieux car en principe on s'associe pour créer et développer ensemble des richesses, pas pour se neutraliser...
Le rôle d'un état moderne n'est pas de prendre des participations dans des entreprises en difficultés ; ces prises de participation ne règlent rien en général (voir le cas d'ALSTHOM), surtout elles seraient inutiles si les entreprises pouvaient compter sur un Etat stratège. Les représentants de l'Etat français seraient mieux inspirés de redonner à la FRANCE un cadre économique, fiscal, social, règlementaire favorables aux entreprises, de rompre avec la médiocrité générée par des années d'erreurs stratégiques majeures, de déterminer une politique ambitieuse et durable avec les constructeurs automobiles. Or les mesures prises jusqu'à présent sont notoirement insuffisantes (ex : CICE) pour permettre une ré-industrialisation du pays. Pourtant de grands pays comme les Etats Unis ou le Royaume Uni ont pris des décisions courageuses et sont en passe de réussir le pari de se ré-industrialiser et de rivaliser avec des pays comme l'Allemagne.
DONG FENG n'a aucune expérience dans la gouvernance d'un entreprise présente sur plusieurs continents : elle n'est présente que sur le marché chinois. Sa connaissance et son expérience des différents marchés est quasi-nulle. D'autre part, on a déjà souligné la présence directe ou indirecte de l'Etat chinois dans sa gouvernance, avec les difficultés en résultant. Enfin, l'industrie automobile étant une industrie de produits, ceux de DONG FENG sont clairement en retrait par rapport aux productions européennes. Il y a clairement un problème de légitimité et d'aptitude.
La proposition de nommer M GALLOIS aux fonctions de Président du Conseil de Surveillance est pour le moins curieuse. Sans contester ses qualités, cette candidature ne peut pas faire l'unanimité pour plusieurs raisons objectives : il est tout d'une part le candidat de l'Etat français (et n'est donc pas un candidat impartial et indépendant) ; d'autre part, il a dirigé deux entreprises, AIRBUS et la SNCF, qui n'évoluent pas sur un marché comparable à l'automobile : le marché aérien est dominé par le duopole avec BOEING, le marché ferroviaire est encore très largement monopolistique, soit des conditions de concurrence complètement différentes de ce qu'il a connu. On peut d'ailleurs remarquer que ces deux industries sont également concurrentes de l'automobile...
Toutes ces raisons militent pour que le schéma d'augmentation de capital tel que présenté à ce jour soit retravaillé pour parvenir un meilleur équilibre. Le groupe PSA doit être dirigé par de vrais industriels, pas par des hauts fonctionnaires de l'Etat français, chargés le cas échéant de gérer des problèmes politiques et géostratégiques avec les chinois.
Il est navrant que la presse ne fasse pas son travail d'explications des enjeux de ce dossier et des scenarii alternatifs envisageables.