Bon... Désolé pour le pavé qui va suivre, mais il va bien falloir que je me lance
Pour faire simple, l’enquête de QC aboutit à 2 conclusions :
1-Défaut de conseil sur la vente de 2 médicaments d'association déconseillée (Aspirine et Ibuprofène) ;
2-Variabilité des prix de 1 à 4 pour le même produit (Aspirine vit C UPSA)
Une [strike]petite[/strike] longue explication :
1. Le "défaut de conseil"
Y'a plusieurs problèmes à mettre en balance... Bien sur, tout le monde est loin d'être parfait dans la profession et n'est pas à l'abri - moi le premier - d'une erreur.
Mais QC prend le parti de la coupe à moitié vide. On peut prendre les résultats dans l'autre sens... C'est d'ailleurs la conclusion du JIM (Journal International de Médecine) dans un article publié vendredi (je cite volontairement le JIM, journal de médecins, plutôt que des organes de presse spécialisée des pharmaciens
Je cite :
"... "
Que choisir « signale dans son enquête que 48 % n’auraient pas respecté spontanément leur devoir de conseil au moment de l’achat d’un médicament. Admettons. Mais ce constat soulève deux remarques. D'abord, cela signifie que 52 % des pharmaciens – soit plus d'un sur deux – l'ont fait... Ce qui est loin d'être négligeable ! L'association de consommateurs s'appuie sur ce constat pour réclamer l’ouverture de la distribution de l’automédication... Est-ce que le conseil sera à la hauteur lors de l'achat d'un médicament dans une grande surface ou une parapharmacie ? La réponse ne fait aucun doute : le pourcentage de conseil spontané donné aux clients sera bien plus faible, voire inexistant. D'où une deuxième remarque. S'appuyer sur cet argument pour demander un élargissement de l'automédication aux grandes surfaces et aux parapharmacies, c'est pour le moins paradoxal... »
Il faut aussi revenir un peu en arrière...
Jusqu'il y a 5 à 6 ans, tout produit inscrit sur la liste du médicament ne devait pas être à la portée du public dans une officine, mais au mieux exposé sur les rayons derrière le comptoir (on parle d'OTC - Over The Counter) ou rangé dans des tiroirs. Donc l'achat de tel ou tel produit passait obligatoirement par une demande orale à un employé ou au pharmacien...
A LA DEMANDE DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS (bien guidés par les Leclerc et consorts) et
CONTRE L'AVIS DE LA PROFESSION (qui craignait justement ce qu'on a ici), un certain nombre de médicaments a vu un assouplissement de la réglementation et la possibilité d'être mis à disposition directe des patients (ne confondons pas vente libre - càd sans ordonnance - et mise à disposition directe - càd libre service). Ces médicaments ont donc rejoint les crèmes solaires, le lait pour bébé ou encore les antirides en libre service. Le patient-consommateur n'a alors qu'à se servir et passer en caisse
Dans les "petites" officines rurales ou périurbaines, il n'y a quasiment jamais de problème car avec 1 ou 2 comptoirs, le préparateur (qui délivre sous responsabilité du pharmacien) ou le pharmacien va pouvoir facilement voir le souci et en parler.
Par contre, dans certaines officines que je connais (surtout en RP), on a des petits caddys à l'entrée, 2 comptoirs pour les ordonnances au fond et le reste, des mètres et des mètres linaires de para. Là, c'est déjà plus délicat. Il y a quelque fois même une caisse à la sortie, comme chez MEL ! Et croyez-moi, les instances ordinales se battent pour plus respect déontologique dans ce genre de boutique (une officine de plus de 1000 m2 est d'ailleurs ouverte 7/7 et 24/24 en banlieue parisienne)
Conclusion : en autorisant je le répète CONTRE AVIS DES PHARMACIENS la disposition en libre service de certains médicaments, les dérives craintes à l'époque se traduisent aujourd'hui, aggravés par les "confères" dont la préoccupation est moins la médecine que le profit. Dont acte. Et le passage en GMS de ces médicaments multipliera par x ce genre de soucis (en Pharmacie, il y a obligation d'employer du personnel diplômé à la délivrance, soit au minimum préparateur (Bac + 2 aujourd'hui) soit pharmacien (Doctorat d'Etat, comme les médecins). Pas sur que la gentille fille de la para de chez Auchan (je change de cible, on va croire que j'en veux à L...erc) soit à ce niveau)
Toujours dans le JIM de vendredi : "..." « O
n peut s’étonner que le discours de Que Choisir soit la copie conforme de celui de la grande distribution. On ne peut pas à la fois réclamer davantage de sécurité sanitaire et en même temps militer pour vendre des médicaments dans des hypermarchés ».
Par ailleurs, il existe en pharmacie et en pharmacie uniquement un système qui s'appelle le DP (Dossier Pharmaceutique) que nous essayons de développer au maximum avec les instances ordinales. Ce DP permet de lister dans l'ensemble des pharmacies l'historique des médicaments du patient (quelle que soit l'officine qui a délivré) et ainsi permettre d'éviter toute association problématique. Souci : pour être alimentée, cette magnifique base de donnée nécessite la carte vitale du patient. Et peu nombreux sont ceux qui viennent avec le carte vitale chercher un produit non remboursé. C'est dommage, mais on fait tout pour développer ça. De fait, on évitera l'interaction entre le médicament acheté par Mme X pendant ses vacances à Toulon avec le traitement habituellement délivré dans sa pharmacie de Dunkerque. Et ça, la GMS ne pourra JAMAIS l'avoir : pour avoir accès à un dossier médical, il faut être assermenté donc inscrit à l'Ordre des Médecins ou des Pharmaciens...
Enfin - pour ma part tout au moins - ce n'est pas une question uniquement pécuniaire. Je fais peu ou prou 90% de mon CA sur de l'ordonnance stricte. Les 10% restant étant répartis sur la para et ces médicaments OTC. Les voir vendus en GMS ne va pas vraiment impacter mon CA, mais certainement augmenter les problèmes de santé publique
2. Les "écarts de prix"
Ici, la méthodologie plus que douteuse de l'enquête de QC fait que c'est un jeu d'enfant de démonter le brol
.
Tout d'abord, quelques notions sur les prix en pharmacie :
a) les médicaments remboursables ou "vignettés" : les prix sont fixés par l'Etat et donc identiques dans toutes les pharmacies de France (et, au passage, les moins chers d'Europe !)
b) Pour le reste, le pharmacien dispose de 3 modes d'approvisionnement :
- le grossiste-répartieteur (CERP, OCP, Alliance Santé : ce sont les camionnettes que vous croisez tous les jours, marquées "urgent médicament"). On peut acheter tous les produits à l'unité, mais le grossiste prend (et c'est normal) sa marge en passant. Livraisons de 2 à 3 x/jour
- le direct : le pharmacien commande directement au laboratoire (UPSA par exemple). Pas d'intermédiaire, donc pas de marge grossiste MAIS des quantités minimum imposées et des livraisons pas immédiates (en général, 4 à 8 fois/an). Les prix d'achat se négocient donc au cas par cas. Une officine qui débite 5000 btes/ans du produit A aura forcément des meilleurs prix d'achat que celle qui en débite 50.
- le semi-direct : ce sont des plate-formes d'achat intermédiaires (groupements d'achats) où les quantités et prix sont entre le grossiste et le direct labo. Livraisons en général hebdomadaires, voire 2 à 3 fois dans la semaine.
Tout ça pour dire quoi :
- Que le prix de vente du produit visé de la pharmacie (A) qui débite 5000 u/an sera FORCEMENT plus intéressant que celle (B) qui en débite 50. Ce n'est pas parce que le pharmacien B s'en met plein les poches comme le décrit QC.
- Que personne n'oblige TOUTES les pharmacies à travailler en directe avec TOUS les labos. Au vu des quantités imposées, c'est de toutes façons impossible.
MAIS : si je ne travaille pas en direct avec UPSA qui me céderait la boite à 1 € pour pouvoir vendre son aspirine à 2 euro (chiffres faux, c'est pour la démo) et que je la vends à 4 parce que mon grossiste me la vend à 3, JE PEUX TRAVAILLER en parallèle avec un autre laboratoire qui me vendra sa boite à 1 € !!!.
Au final : je peux avoir de l'aspirine UPSA à 4 € mais aussi de l'aspirine Bidule à 2 euros, au même titre que la pharmacie du bled d'à côté aura de l'UPSA à 2 euros mais de la Bidule à 4 !!!
Comme QC a OUVERTEMENT dit à ses enquêteurs de REFUSER toute autre alternative, le pharmacien qui n'avait pas son aspirine USPA achetée en direct NE POUVAIT PAS proposer son autre marque, elle achetée en direct et vendue au meilleur prix. CQFD.
Les biais flagrants de cette enquête montrent encore une fois la qualité du travail de QC. La précédente "étude" de QC avait d'ailleurs été arrêtée en cours de route pour des raisons similaires...
Encore pire : il y a quelques années, plusieurs groupements de pharmacies avaient proposé un "encadrement" des prix pour les produits libres... Les associations de consommateurs (QC en tête) avaient porté le pet en hurlant à l'entente délictueuse... Faudrait voir à arrêter les conneries, messieurs les journaleux
Il n'y a pas si longtemps, Leclerc (là, obligé de le citer parce que c'est lui) a produit une pub comparative sur les prix des produits de para entre les centres Leclerc, les para d'enseignes et enfin "les" pharmacies... En concluant EEEEEEEVIDEMMENT qu'il était le moins cher.
Des pharmaciens Alsaciens font interdire le brol qu'ils jugent diffamant. Leclerc attaque en justice... Et perd. Bingo..
.Pourquoi ? . MEL ne l'a jamais dit, ça. Je re-cite le JIM :
"... Comme le montre l’attaque en justice de Leclerc suite à une enquête de prix oubliant totalement de rappeler que le caractère truqué de cette comparaison a été confirmé par les tribunaux."
Quelques autres infos, mais totalement personnelles, pour terminer.
Avant de tire sur [strike]l'ambulance[/strike] la pharmacie, il faut se rappeler :
- Que nous avons un statut particulier, à la fois médical et commerçant, et que de ce fait, nous n'avons aucune autorisation de communiquer sur nos prix ou nos services (la publicité pour les officines de pharmacie est formellement interdite) contrairement à la GMS. C'est donc facile pour les second d'attaquer les premiers sur tous les points que l'on veut, sachant que nous n'avons pas le droit de publier quoi que ce soit pour nous défendre... Leclerc peut afficher en 4x5 "chez moi, le médicament est moins cher". Je n'ai pas le droit de répondre en page 50 du "Chasseur Français" "oui, mais chez moi, le service est meilleur, la sécurité de provenance est assurée, il y a toujours un professionnel de santé qui pourra répondre à vos questions, etc, etc..."
- Que nous avons mission de service public. On ne peut pas demander à l'officine perdue au mileu d'un village rural de Creuse d'avoir le même débit de produit qu'un géant en RP et donc de pouvoir proposer des prix identiques sur TOUS les produits. Par contre, cette officine se doit d'assurer son rôle de soins de premiers recours, de participation au service de garde, etc ,etc... Pas sur (non, en fait, sur que non
) que la GMS assure la vente d'une boîte de lait à 2h du matin ou d'une fameuse boite d'aspirine pour une rage de dent le 14 juillet à 21h. La pharmacie de garde, oui.
- Que nous avons une obligation médicolégale d'employer un certain nombre de docteurs en pharmacie par tranche de CA. Faut les payer, ces lascars... Donc impact direct sur les prix des médocs... Or, comme pour la plupart des pharmacies des petites villes de provinces (et non pas de 400 testées majoritairement en RP et dans les grands centres urbains par QC), je fais 80 à 90% de mon CA avec des prix... qui me sont imposés par l'Etat (remboursable), ma marge de manoeuvre est quasi nulle. La GMS n'a aucune obligation de ce type. Un pharmacien pouvant même être responsable de plusieurs para dans plusieurs sites différents (alors que je dois en avoir rien que 2 chez moi !!!). Cherchez l'erreur...
Bref, je m'arrête là... Je suis bien conscient que nombre de confrères ne font pas leur boulot comme il devrait. Il n'empêche, la grande majorité le fait bien. J'en suis persuadé. Suis pas là pour être plaint, merci bien. Mais y'en a marre d'être en permanence la cible des uns et des autres (tiens, c'est marrant, d'autres professions à monopole comme les Notaires ou les Avocats ne font pas partie de la cible des MEL&Cie... Ah, quoi ??? Ah, faut les payer cher pour leur travail alors non merci. D'accord, on a compris...)
Sur ce, j'ai d'autres chats à fouetter (des photos de 5008 à mettre en ligne, par exemple
).
Amicalement... mais un peu tristement,
G2