Un mariage PSA-Fiat, est-ce une bonne idée ?

Groupe PSA
Vers la création d’un nouveau géant de l’automobile ?

C’est l’histoire d’un long feuilleton qui semble arriver à son terme. Alors que les rumeurs d’un mariage entre le Groupe PSA et FCA (Fiat Chrysler Automobiles) courent depuis au moins 2012, il semblerait que nous en soyons à l’épilogue. Après avoir officialisé être en discussion avec le géant italo-américain dans la journée, la presse annonce ce soir que l’annonce de l’entrée en négociations exclusives du Groupe PSA et de FCA pourrait avoir lieu dès demain, le 31 octobre 2019. Et plutôt qu’un rachat de l’un par l’autre, nous serions à l’aube d’une fusion à part égales par échange d’actions, avec Carlos Tavares comme Directeur Général de la nouvelle entité et John Elkann (l’actuel président de FCA) président du groupe. Avec à la clé, la création du quatrième groupe automobile mondial, derrière Volkswagen, Renault_Nissan-Mitsubishi et Toyota.

Une première annonce bien accueillie par les marchés, le titre Peugeot prenant 4% aujourd’hui à la Bourse de Paris, une des meilleures performances de la journée. Pour autant, est-ce une bonne idée de vouloir marier le Groupe PSA, affichant une solidité financière à toute épreuve, avec FCA, qui flirte avec les hauts mais surtout les bas depuis de nombreuses années ? D’autant que la situation serait bien différente qu’avec Opel, qui avait été avalé par la maison-mère de Peugeot en 2017. Pour y voir plus clair, passons en revue les atouts et risques potentiels de cette opération franco-italo-américaine.

Un pont d’or vers les Etats-Unis pour le Groupe PSA

L’intérêt le plus évident pour le Groupe PSA de s’allier avec Fiat est bien entendu la présence du groupe italien aux Etats-Unis, où Peugeot doit s’implanter en 2023. En intégrant FCA, la marque au Lion pourra gagner beaucoup de temps et d’argent, en se reposant sur le réseau de concessionnaires du groupe FCA (notamment Dodge, Jeep et RAM) un peu partout dans le pays, et potentiellement à terme sur l’outil industriel de FCA en Amérique du Nord, pour éviter d’importer d’Europe les véhicules. Aussi, cette fusion permettrait de donner accès à PSA à des moteurs plus gros et puissants (V6 et V8 bien que vieillissants) ainsi qu’à une véritable transmission intégrale, équipements bien plus en phase des goûts américains que nos moteurs 3 cylindres européens.

En restant dans les Amériques, une fusion des 2 groupes renforcerait leur position en Amérique latine, où Fiat y est particulièrement performant avec ses petits modèles low-cost. Un créneau où PSA est absent, préférant la marge plutôt que la course aux volumes, et qui laisse une piste de repositionnement de la marque italienne populaire une fois la fusion terminée. Fiat, spécialiste des segments A et B avec ses gammes Panda et 500, pourrait aisément prendre la place dans l’entrée de gamme, en se positionnant en dessous d’Opel et Citroën, qui ont un positionnement plus orienté généraliste milieu de gamme.

De l’autre sens, le groupe FCA profiterait des avancées du Groupe PSA en matière de plateformes, de motorisations, mais surtout d’électrification des gammes et de lutte contre les émissions de CO2 notamment en Europe, où l’italien est particulièrement à la traine. Ayant négligé la R&D pendant des années en surfant sur le succès de la Fiat 500, l’italien n’a pas avancé sur la voiture électrique ou hybride, et s’est vu contraint d’acheter des droits à polluer à Tesla afin d’éviter les premières vagues d’amendes aux émissions de CO2 en Europe, qui l’aurait conduit à une mort certaine. Car si la fusion devrait se faire en 50/50, les intérêts sont nettement plus déséquilibrés suivant le camp que l’on choisit.

A noter également que cette fusion ne serait pas le plongeon dans un total inconnu, PSA et Fiat ayant un passé commun, notamment avec leur longue collaboration sur les utilitaires légers, qui a donné naissance à plusieurs générations de fourgonnettes. Encore aujourd’hui, le Peugeot Boxer est issu de cette collaboration. Les 2 groupes se connaissent donc déjà, ce qui peut faciliter les discussions.

FCA : un boulet surcapacitaire en Europe

Car si l’attrait de l’oncle Sam est une pépite et donnerait un sérieux coup de pouce dans la conquête de l’ouest de PSA, cela n’occulte pas les principaux points faibles du groupe italo-américain, qui reste très vulnérable. En plus de ne pas avoir investi dans la recherche, FCA a peu ou mal géré son portefeuille de marque, qui sont pourtant nombreuses : avec Fiat, Lancia, Alfa Romeo, Maserati, Chrysler, Dodge, RAM et Jeep, il y a de quoi faire un monstre de volume et de rentabilité, mais la réalité est nettement plus moribonde.

Alfa Giulia
La Giulia n’a pas relancé Alfa Romeo

Lancia n’est plus qu’une coquille vide, avec un seul modèle (l’antique Lancia Ypsilon) vendu uniquement en Italie, mais qui réalise toutefois plus de volume en Europe qu’Alfa Romeo, qui a pourtant supporté le coût massif d’une plateforme utilisée sur 2 modèles du segment D et est devenu l’ombre d’elle-même. La situation est similaire de l’autre côté de l’Atlantique, avec Chrysler qui ne propose plus que sa vieillissante berline 300 et le monospace Grand Voyager, appelé Pacifica. La stratégie de démocratisation et de montée en volume de Maserati a été un échec (prévisible), tandis que la gamme Fiat ne vend que du segment A/B, peu rémunérateur. Reste les vaches à lait Jeep, qui profite de l’engouement des clients pour les SUV, et RAM, qui propose une large gamme de pick-ups aux USA. En bref, le potentiel est réel puisque toutes ces marques ont une histoire riche et de nombreuses possibilités, mais le travail sera immense et des victimes collatérales sont à prévoir (Lancia et Chrysler notamment), pour des résultats incertains.

Aussi, la dimension politique va s’immiscer dans ce mariage. Le gouvernement français est actionnaire de PSA, qui sera vigilant sur l’emploi en France. Le gouvernement italien suit de très près le dossier en lien avec la famille Agnelli et lâchera rien non plus sur l’emploi en Italie. Cette fusion pourra donc s’avérer explosive sur le marché européen, compte-tenu des nombreuses installations industrielles des 2 groupes sur le continent. Une restructuration importante semble inévitable pour arriver aux 3 milliards d’euros de synergies estimées par les analystes financiers, qui pourrait passer par des fermetures d’usines. Les 6 sites de production italiens de FCA sont largement surcapacitaires et les incertitudes liées au Brexit pourraient précipiter le sort des usines anglaises de PSA, déjà récupérées d’Opel.

Enfin, à court-terme, ce mariage amplifierait la dépendance à l’Europe de PSA, qui cherche pourtant à s’internationaliser. Les relais de croissance en Asie seront très faibles pour ne pas dire inexistants, et PSA ne pourra pas compter sur Fiat pour accélérer son développement en Afrique. Aussi, en redevenant en partie américain, la situation en Iran, gros débouché en volume pour Peugeot, n’est pas prête de s’arranger.

Un gros pari pour PSA

En bref, cette fusion n’est pas sans risque, l’analyse de la situation des 2 groupes n’étant pas très flatteuse pour FCA, qui a clairement bien plus à gagner qu’à se marier que PSA. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que John Elkann était très agressif lors des récentes négociations avec Renault, qui n’ont pas abouti en partie en raison de la volonté du losange de prendre son temps pour réfléchir (en plus de certaines décisions de l’Etat actionnaire), alors que Fiat est plutôt dans l’urgence pour ne pas mettre la clé sous le paillasson.

La forme financière ne nous paraît par ailleurs pas des plus optimales, puisque la famille Agnelli via sa holding deviendrait majoritaire sur la nouvelle entité, au détriment de la famille Peugeot, qui pour nous, a fait de bien meilleurs choix stratégiques qui se retrouvent dans la bonne santé financière de PSA. Signe des différences de gouvernance, PSA distribuerait des actions Faurecia à ses actionnaires, tandis que FCA préfèrerait… le versement d’un dividende.

Cependant, les cartes semblent désormais jetées, et si les rumeurs s’avèrent exactes, nous aurons le résultat du jeu dans quelques heures maintenant. L’affaire est sur le feu, sous surveillance !


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