Serge Saulnier "Il nous fallait une équipe très soudée."
Il est l’homme orchestre du Team Peugeot Total, son team-manager. A ce titre, la presse ne l’a pas toujours épargné l’an passé après les déceptions du Mans et de Silverstone. Ce ne fut pas toujours à bon escient d’ailleurs. Mais Serge Saulnier est toujours présent et a les idées claires sur ce qu’il faut faire pour mettre le maximum de chances de son côté afin d’aller quérir le nouveau trophée des 24 Heures. A commencer par son équipe de pilotes…
Serge, quels sont les éléments de réflexion qui ont conduit à la constitution de ces équipages 2009 ? Qu’est-ce qui vous a conduit à remplacer Jacques Villeneuve et Ricardo Zonta par Sébastien Bourdais et David Brabham ?
« En fait, lors des 24 Heures 2008, nous nous sommes aperçus que nous avions constitué un groupe très fort de 7 pilotes. Ils s’entendaient parfaitement, échangeaient énormément entre eux, étaient très solidaires. Il s’agissait des sept pilotes qui avaient le plus participé aux tests, aux séances de "team-building" que nous avions mises en place, ceux qui pour des raisons de disponibilité avaient réellement pu s’investir dans notre préparation au Mans. Nous avions su créer une réelle complicité entre ces sept pilotes et nous aurions aimé savoir le faire avec les neuf. Ricardo et Jacques, quant à eux, n’ont pas eu cette même disponibilité. Et on a bien senti lors de la semaine de course, au sein de l’équipe, qu’ils restaient un peu en marge, un peu comme des étrangers. Nous sentions bien que de ce fait, ils passaient un peu à côté de certaines informations : la voiture, ses évolutions, etc… Autant de petites choses qui leur ont manqué et les ont handicapé en course.
Forts de ce constat, il fallait pour 2009, si ils souhaitaient demeurer à nos côtés, qu’ils puissent s’investir plus avant dans le groupe. Pour arriver au Mans en étant parfaitement intégrés. Or pour des raisons différentes, aucun des deux ne le pouvaient. Ricardo a un planning chargé puisqu’il roule à la fois en Grand-Am et en Tourisme au Brésil. Il n’était donc pas plus disponible que l’an passé. Jacques, quant à lui, est bien implanté au Canada et souhaite consacrer beaucoup de temps à sa famille. C’était également très compliqué pour lui. Nous avons donc bien senti qu’il nous fallait évoluer et tourner une page. »
Vous avez décidé de faire appel à des hommes expérimentés pour les remplacer ?
« Oui pour plusieurs raisons. Tout d’abord à cause de l’absence de la Journée Test au Mans. Apparemment, le fait qu’un rookie doive effectuer 10 tours a été maintenu par l’ACO mais cela devra désormais se faire lors des essais officiels, plus lors de la Journée Test… Cela compliquait inutilement le planning de ces essais. De plus, ce pilote ne disposera plus d’une journée sans trop de pression pour prendre le temps de découvrir la piste, comme nous avions pu le faire avec Villeneuve ou Klien par exemple. Il devenait donc évident qu’il nous fallait un pilote ayant déjà couru au Mans et figurant sur la liste des pilotes directement admis par l’ACO. »
D’où le retour de Sébastien Bourdais après sa pige en 2007 ?
« Tout à fait. L’avantage est que Sébastien connaît déjà assez bien l’équipe après cette première expérience. De plus, il avait réellement envie de se joindre à nous de nouveau. Il le souhaitait fortement. Nous ne pouvions pas passer à côté de cette opportunité ! »
Comment s’est opéré le choix du neuvième homme ?
« Nous avions plusieurs opportunités en fait. Nous en avions avec certains pilotes qui, malheureusement pour eux, n’ont pas pu se libérer contractuellement. Le nom de David Brabham s’est assez facilement imposé du fait qu’il est l’un des pilotes d’expérience en endurance les plus rapides au Monde. Etant donné qu’il pouvait se libérer contractuellement pour disputer Spa et Le Mans à nos côtés, il était tout naturel de signer avec lui.»
Il saura se rendre suffisamment disponible, justement, pour intégrer l’équipe au mieux ?
« Oui. Il faut savoir que, comme Nicolas Minassian, David vit en Angleterre. Donc, aussi facilement que Nicolas, il peut se rendre très rapidement disponible. Il suffit de le prévenir la veille pour le lendemain. Et il saura venir aussi souvent que nous aurons besoin de lui. »
Sur le plan du choix des courses, le fait de ne pas disputer Barcelone est-il lié à la proximité avec Sebring ?
« C’est en effet lié à cela mais il y a d’autres raisons. Tout d’abord, pour palier à l’absence de Journée Test au Mans cette année, nous organisons avec Michelin des essais début Avril à Monza, ce qui au passage prouve que cette annulation n’engendre pas forcément pour les concurrents les économies annoncées… Car étant donné que nous sommes l’équipe qui a probablement le plus roulé en configuration 2009 à ce jour, nous sommes parfaitement à même de juger de la problématique du petit aileron arrière. Et au Mans, cela exige beaucoup de mise au point sous peine de dangerosité. La Journée Test avait réellement une très grande importance pour la validation des pneumatiques. Donc la course de Barcelone étant coincée entre Sebring et cette séance indispensable à Monza, il devenait difficile d’y participer.
Autre raison majeure, notre équipe est arrivée au Mans extrêmement fatiguée l’an passé. Fatiguée par une trop grande répétition de courses en un laps de temps restreint et nous ne voulions pas renouveler cette erreur. (NDLR : On se souvient notamment que les interventions aux stands du Mans furent les moins performantes de la saison dans le Team Peugeot Total, preuve que les hommes étaient réellement exténués) Nous avons déjà un planning d’essais extrêmement chargé, nous ne voulions pas en rajouter en imposant un rythme de courses trop soutenu. D’autant que pour l’équipe, un week-end de course est bien plus exigeant sur le plan de la fatigue qu’une séance de test, pour des raisons de logistique et de pression.
Nous devions donc absolument conserver une course en guise de répétition générale avec l’équipe au complet mais il fallait aussi trouver le bon équilibre pour ne pas fatiguer inutilement les équipes. »
Et dans ce cadre, vous avez préféré aligner trois voitures à Spa plutôt qu’à Sebring ou vous n’en amenez que deux ?
« Oui, effectivement. Il faut dire qu’emmener trois voitures à Sebring serait extrêmement lourd en terme de logistique, très difficile. Et puis aux USA, la gestion des stands n’est pas tout à fait similaire à celle du Mans. La répétition générale au grand complet avait plus de sens à Spa. »
Sebring est malgré tout une étape quasi incontournable sur la route du Mans ?
« Oui pour deux raisons majeures. Tout d’abord, la piste terriblement exigeante nous permet de mettre au jour des problèmes de fiabilité que nous ne verrions pas ailleurs. Nous l’avions bien vu l’an passé avec nos soucis d’alternateurs et de pompe hydraulique d’assistance de direction par exemple. Et à trois mois des 24 Heures du Mans, Sebring est très important de ce point de vue.
Ensuite pour l’équipe elle-même, du point de vue de son fonctionnement, on apprend énormément en stratégie dans les courses US du fait qu’elles sont extrêmement disputées, qu’elles connaissent beaucoup de rebondissement et qu’elles sont très souvent neutralisées par les safety-cars. Pour l’équipe, il faut réellement être extrêmement impliqué et affûté, c’est très formateur. »
Fort de deux voitures au lieu d’une seule l’an passé, le Team Peugeot Total de Serge Saulnier se rendra en Floride avec un but précis et avoué : la victoire. Il faudra presque impérativement en passer par là pour aborder le grand rendez-vous manceau dans les meilleures conditions. Ou l’erreur ne sera pas permise…
Laurent Chauveau