Jean-Luc et moi revenons du Mans, où nous étions pour RMC (surtout Jean-Luc, d’ailleurs - croyez-moi, il tient encore la grande forme !). Comme tout le monde nous avons donc assisté à une superbe course, mais qui nous laisse un goût un peu amer en ce qui concerne Peugeot…
Les questions se bousculent : pouvait-on perdre cette course, avec une voiture qui met quatre secondes au tour sur le sec à l’adversaire et qui tourne dans les mêmes chronos sur le mouillé ? La réponse est évidemment oui, puisque c’est arrivé. Mais je repose une autre question : devait-on perdre ? Et là, bien sûr, la réponse est non.
Jamais peut-être une occasion aussi belle ne se représentera. Et aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que la marque au lion a raté son rendez-vous avec l’histoire du sport auto - c’est même sans doute sa défaite qui est l’événement majeur de cette 76e édition, plus que la 8e victoire en neuf ans d’Audi (ou la 3e consécutive de la R10 diesel).
Vu de près (puisque nous étions au Mans) mais aussi de loin (car nous ne sommes pas dans les têtes des hommes clefs de cette équipe), nous ne pouvons pas ne pas nous poser quelques questions…
Ainsi : qui dirige vraiment l’équipe ? Ca peut paraître un peu dure comme interrogation, mais franchement : quel est le Dr Ullrich de Peugeot ? Quel est le successeur de Jean Todt ? On a en effet le sentiment que les quatres têtes pensantes font bien leur boulot (Michel Barge à la direction, Bruno Famin à la technique, Paolo Catone à l’exploitation et Serge Saulnier au sportif), mais en fait tout est flou. Il manque une autorité et surtout un regard aiguisé sur la course pour prendre les bonnes décisions au bon moment. Cette frilosité s’est retrouvée à tous les niveaux : dans les choix de pneumatiques, bien sûr, et même dans la gestion des équipages (les deux Peugeot de tête doivent-elles vraiment être dans la même seconde durant la première demi-heure de course ?).
De même : pourquoi privilégier une stratégie agressive (relais courts, arrêts toutes les demi-heures) parfaitement valable sur le sec (les Audis n’existaient pas et le temps qu’elles concédaient en piste n’était pas rattrapable dans les stands, malgré une consommation moindre) alors que j’étais le premier à savoir depuis plusieurs jours (comme tous ceux qui regardent ou écoutent les prévisions météo) qu’il allait pleuvoir dimanche ? On a le sentiment que Peugeot s’est fait surprendre par la pluie : la voiture était moins bien, des paris ont été tentés sur le choix des pneus et du coup il y a eu plus d’arrêts au stand… Un cercle vicieux. Là encore, il a manqué une rigueur que l’on retrouve magnifiquement chez Audi : ils se sont battus avec leurs armes, mais ils avaient anticipé la pluie, ils ont agi en conséquence et n’ont pas fait de faute. Et puis, dans les stands, ils sont d’une redoutable efficacité. Pourquoi croyez-vous qu’en Nascar, les mécaniciens s’entraînent à dévisser et revisser des écrous toute la journée ? Je suis le premier à reconnaître qu’il y a sûrement plus excitant dans la vie, toujours est-il qu’en matière de sport automobile, c’est une donnée fondamentale que de changer vite des pneus. Et que ça se joue à quelques secondes seulement. Chez Peugeot, on est loin, très loin du niveau d’Audi à ce niveau-là. Et je peux vous dire, pour l’avoir vu “en vrai” dans le stand, que c’est un miracle que la n°7 de Minassian ne se soit pas accrochée dans les stands à l’issue de son premier ravitaillement, sur les coups de 15h35 samedi. Je regardais le type à la sucette : il ne regardait que Minassian alors qu’on voyait que deux voitures étaient dans la pit-lane et arrivaient à hauteur du stand Peugeot. La 908 a alors été relâchée sans aucune vérification : c’est passé au millimètre ! Il aurait pu (dû ?) y avoir une pénalité, voire carrément un accrochage dans les stands ! Jamais une telle approximation n’arriverait chez Audi.
Voilà, on est donc un peu déçu, et un peu énervé aussi. C’est la vie, c’est la course, ils font aussi des erreurs chez Audi mais quand même : l’échec est patent - les fusées 908 n’ont pas su aterrir alors qu’elles avaient été parfaitement mises en orbite pour la victoire…